Le discours d'un roi : une vulnérabilité royale
- Sabine Laurent
- 24 févr.
- 3 min de lecture
Dernière mise à jour : 29 juil.
L'histoire du roi George VI (père de la reine Elisabeth II) demeure un témoignage extraordinaire de courage et de persévérance face à l'adversité. Et un film majeur sur la prise de parole auquel je me réfère régulièrement dans mes interventions.
Contraint d'accéder au trône britannique suite à l'abdication inattendue de son frère Édouard VIII en décembre 1936, George VI - que rien ne prédestinait à régner - va devoir affronter son plus grand défi : surmonter un bégaiement handicapant pour devenir la voix rassurante de son peuple dans l'une des périodes les plus sombres de l'histoire britannique. Et c'est ce que retrace avec talent le film de Tom Hooper, gratifié de l'Oscar du meilleur film en 2011.
D'apparence fragile et incapable de s'exprimer en public sans souffrance visible, Albert Frederick Arthur George (son véritable prénom) était considéré par certains comme fondamentalement inapte à assumer les fonctions royales. Son bégaiement, apparu dès l'enfance, s'était aggravé au fil des années, transformant chaque discours public en calvaire. Les journalistes de l'époque n'hésitaient pas à qualifier ses interventions de "douloureuses à écouter", tandis que les milieux politiques s'inquiétaient ouvertement de la capacité du nouveau souverain à incarner l'autorité monarchique. Cette vulnérabilité prenait une dimension particulièrement cruelle à l'ère naissante de la radio, où la voix du monarque devait désormais pénétrer directement dans les foyers britanniques. Comment un roi bègue pourrait-il galvaniser une nation face aux défis à venir ?
C'est dans ce contexte désespéré qu'intervient Lionel Logue, un orthophoniste australien au parcours atypique. Ancien acteur reconverti dans la thérapie de la parole, Logue avait développé son expertise en travaillant auprès des vétérans traumatisés de la Première Guerre mondiale, ces "gueules cassées" dont les blessures psychologiques se manifestaient souvent par des troubles de l'élocution. Sa méthode révolutionnaire, loin des approches médicales traditionnelles de l'époque, repose sur une philosophie simple mais audacieuse : traiter la personne avant le symptôme. Logue comprend intuitivement que le bégaiement du roi n'est pas qu'un problème technique, mais le symptôme d'un mal-être plus profond, lié à un manque de confiance en soi et à la pression écrasante de ses nouvelles responsabilités.
Les séances entre le roi et son thérapeute défient toutes les conventions de l'étiquette royale. Le futur George VI se prête ainsi à des exercices surprenants : réciter des virelangues tout en effectuant des pirouettes pour décontracter son corps, chanter des voyelles à pleins poumons pour libérer sa respiration, articuler avec la bouche remplie de billes pour muscler sa diction, ou encore s'allonger sur le sol pour travailler sa respiration abdominale.
Ces techniques apparemment farfelues cachent une logique thérapeutique précise : détendre les muscles de la parole, réduire l'anxiété liée à l'expression orale et créer de nouveaux automatismes positifs. Plus révolutionnaire encore pour l'époque, Logue instaure une relation d'égal à égal avec son patient royal, l'appelant simplement "Bertie" et créant un espace thérapeutique libre de toute hiérarchie.
Au fil des années, la persévérance acharnée du roi et l'expertise innovante de son thérapeute portent leurs fruits. Le 3 septembre 1939, George VI prononce à la BBC l'un des discours les plus importants de l'histoire britannique, annonçant l'entrée en guerre contre l'Allemagne nazie. Ce jour-là, sa voix claire et assurée résonne dans tout l'Empire britannique, touchant des millions d'auditeurs. Les pauses calculées, la diction maîtrisée et l'émotion contenue témoignent d'un parcours accompli. Le roi bègue était devenu la voix de l'espoir pour son peuple.
L'histoire de George VI transcende le simple récit d'une guérison. Cette transformation remarquable nous rappelle que l'excellence en communication ne réside pas dans l'absence de défauts, mais dans notre capacité à les dépasser. Elle démontre aussi qu'avec un accompagnement adapté, une méthode appropriée et une volonté déterminée, les obstacles peuvent être transformés pour développer une communication plus solide !
Envie d’incarner vos messages avec plus de justesse et de confiance ?
Je propose des accompagnements sur-mesure pour mieux prendre la parole, convaincre et captiver.
