La bienveillance : mode, mièvrerie ou puissance ?

Vous avez dû le remarquer, le mot bienveillance est indéniablement à la mode ces dernières années. Omniprésent dans les discours managériaux, les chartes d'entreprise et les formations en développement personnel, il semble avoir pris une place avec une rapidité surprenante. Et pourtant, derrière cette popularité se cache une réalité plus complexe et ambivalente.

Sans doute ce terme a-t-il surgi en réponse directe à une accumulation de tensions relationnelles - que nous pouvons bien souvent relier à des carences flagrantes en communication- et même à un trop-plein de souffrances au travail. Face à des dynamiques d'équipe dysfonctionnelles ou des interactions professionnelles toxiques, le besoin de retrouver une humanité perdue s'est fait cruellement sentir dans de nombreux milieux.

Tout un écosystème s'est mis en place : coaching spécialisé, formations dédiées, PNL appliquée aux organisations, Communication Non Violente en entreprise, développement personnel... Le sujet a infusé dans la quasi majorité des organisations, des directions ou des ressources humaines jusqu'aux équipes opérationnelles.

Mais cette mode de la bienveillance a aussi parfois fini par lasser ou agacer. Galvaudée par un usage excessif, elle est devenue suspecte aux yeux de certains collaborateurs. Comme si elle était trop lisse, trop consensuelle, presque mièvre dans sa version édulcorée. On a pu aussi lui reprocher d'être un cache-misère, une façade rassurante posée sur des dysfonctionnements organisationnels plus profonds, ou encore une injonction supplémentaire pesant sur des équipes déjà sous tension. Et si ces ressentis existent, c'est bien qu'il y a du vrai aussi par là.

Et pourtant, malgré cette tendance forte et la mise en avant quasi permanente de cette notion dans les annonces, nous continuons d'observer quotidiennement des situations professionnelles qui nécessiteraient tellement plus de bienveillance réelles pour qu'elles évoluent plus favorablement et n'aboutissent pas à des démissions, des découragements et à l'effondrement des relations dans le travail. Cau au-delà des idées, et de la version affadie qu'en donnent parfois certains discours, la véritable bienveillance constitue quelque chose de profondément puissant et d'exigeant.

La bienveillance authentique nécessite avant tout une attitude consciente et un choix stratégique délibéré : celui de prendre soin. Non pas par angélisme ou par naïveté, mais par intelligence relationnelle et efficacité professionnelle à long terme. Cette attention consciente se déploie simultanément sur trois dimensions essentielles :

Le soin de l'autre : dans la façon dont nous nous adressons à nos collègues, collaborateurs ou supérieurs. Cela implique une attention particulière au respect de leur dignité, à la prise en compte de leur état émotionnel du moment, et à l'adaptation de notre communication à leur réceptivité.

Le soin du message : dans la clarté et la précision de ce que nous exprimons. La bienveillance ne signifie pas l'approximation ou la complaisance, mais au contraire l'exigence de formuler des messages compréhensibles, utiles et constructifs, même quand ils sont difficiles à entendre.

Le soin de l'impact : dans l'attention que nous portons à ce que notre communication génère comme effet chez l'autre. Cette dimension suppose une conscience des conséquences de nos paroles et de nos comportements sur la dynamique relationnelle et la performance collective.

Contrairement aux idées reçues qui en font une qualité innée ou un trait de personnalité, la bienveillance professionnelle s'apprend. Elle suppose un développement de ses capacités d'observation et d'adaptation, et une pratique régulière pour devenir naturelle et authentique. Ce développement bénéficie indéniablement à tous : elle améliore le climat de travail, réduit les conflits stériles, favorise la créativité collective et permet d'éviter de nombreuses souffrances évitables dans les organisations. A l'heure où les burn-out n'ont jamais été si nombreux, on comprend bien qu'elle est même devenue un enjeu très fort.

La bienveillance professionnelle répond à un besoin humain fondamental et s'avère donc indispensable pour la vie professionnelle, quelque soit l'époque. Cultivons-la !

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